Le travail une valeur clé

 

Le travail est-il si dévalorisé en France, comme l'affirme M. Raffarin ? Une récente étude menée par un collectif de sociologues et fondée sur une enquête de l'Insee auprès de 6 000 personnes montre qu'une personne sur quatre fait toujours du travail la condition essentielle du bonheur et que 98 % des sondés s'y réfèrent positivement. Environ 60 % d'entre eux jugent favorablement la réduction du temps de travail, même si les cadres semblent en avoir tiré un meilleur parti que les catégories les plus défavorisées.

 

Cet attachement des Français pour le travail vient rompre définitivement avec une certaine idéologie, vivace dans les années 1990, qui augurait la fin prochaine - et heureuse - du travail. Un nombre important d'ouvrages s'interrogent sur la place du travail dans une société en proie à un chômage de masse et dans un contexte d'évolution technologique accélérée.

La Fin du travail de l'économiste américain Jeremy Rifkin, livre emblématique de ces années-là, annonce ainsi l'émergence d'une "économie sociale", destinée à accueillir ceux qui ont été exclus de l'économie traditionnelle, et subventionnée par l'Etat. Pour tenter de remédier à la plus en plus grande précarité du marché de l'emploi, Jean Boissonnat, dans un rapport au Plan, imaginait de créer un nouveau statut du travail grâce auquel le salarié pourrait, en vertu d'un "contrat d'activité" passé avec plusieurs entreprises pour une durée de cinq ans, alterner emploi, formation et loisirs.

 

Pourquoi travaillons-nous au juste ? Pour l'intérêt intellectuel ou lucratif d'une tâche ? Pour la reconnaissance sociale qu'on espère en retirer ? Ou davantage pour participer à une aventure collective ? Ces questions sont au cœur des enjeux de management. Elles rejoignent plus globalement le débat sur le gouvernement d'entreprise.

 

Selon Elie Cohen, Jena-Pierre Helfer et Roland Perez, professeurs en sciences de gestion, il est important, pour répondre à ces questions, de souligner la particularité du capitalisme européen, qui "ménage une relation entre l'individu et la collectivité radicalement différente de celle qui prévaut outre-Atlantique", et respecte un "équilibre entre la réussite des entreprises et le maintien d'une forte cohésion sociale".

 

Constance Baudry

Le Monde, 20 mars 2005